samedi 18 juin 2016

Une pierre blanche




Mon envie de ce soir de lapider, enrager, tonner, injurier, je te laisse t'envoler.
D'une pierre blanche plutôt je voudrais marquer le souvenir:
De ceux qui vous écoutent sans bailler.
De ceux qui savent être drôles sans ironie ni rire aux dépens de.
De ceux qui ne se plaignent jamais malgré les cercles des enfers traversés.
De ceux qui font des actes héroïques quotidiens parce qu'il fallait juste le faire.
De ceux qui prouvent leur tolérance.
De ceux pour qui l'autre n'est jamais lointain.
De ceux qui ont une passion et vous en parlent éblouis.
De ceux qui ont des paradis non artificiels.
De ceux qui lisent pour vivre.
De ceux qui réussissent à voir la poutre dans leur œil.
A tous ceux-là une pierre blanche pour bâtir un monument d'admiration.





samedi 11 juin 2016

Nostalgia: Les derniers jours du disco




Episode 3 de la série Réceptions transartistiques.

   Avec Les derniers jours du disco, roman de Whit Stillman, j'ai eu affaire à un cas inédit: une œuvre littéraire transposant l'univers du film éponyme du même auteur. Il est en général beaucoup question d'adaptations de livres par le cinéma mais que se passe t-il lorsqu'un récit se présente comme la transposition d'un film?

   Ce phénomène étrange a en réalité un nom qui est la " novélisation" et à laquelle se réfère explicitement le narrateur principal du roman Jimmy Steinway. Mais cette fiction littéraire n'est pas une simple traduction de l'œuvre cinématographique. Elle intègre, en effet, l'existence de cette dernière dans un dispositif de mise en abyme que je rencontrais pour la première fois. Jimmy Steinway, publicitaire de son état et un des personnages du film, raconte les évènements qui sont au cœur de celui-ci en tant qu'écrivain frustré auquel on a commandé cette novélisation. Cette configuration narrative amène ce protagoniste, à la fois, à dérouler l'intrigue qui a fait l'objet du film et à commenter régulièrement le fait que cette histoire a déjà fait l'objet de l'œuvre cinématographique. Voici ce qu'il dit lui-même à ce propos:

" Alors pourquoi transposer dans un roman un scénario de film, reconnu pour sa pertinence? Je dirai...pour l'amour de l'art. De l'expression libre. Pour saisir un pan de notre vie, de notre culture, et l'enrichir. Pour traduire, décoder les épisodes que nous avons vécus et, sinon pour se les approprier, du moins pour en préserver la mémoire écrite."

   Il s'agit du portrait d'un groupe qui fait émerger celui d'une génération, celle des yuppies, ces young urban professionals qui ont vu leurs vies d'adulte coïncider avec l'avènement du disco dans les boîtes de nuit. Charlotte et Alice, jeunes assistantes éditoriales dans une maison d'édition, Dez, le gérant du Club où tous veulent avoir leurs entrées, Josh, le procureur débutant et Tom, l'avocat d'affaires idéaliste, font partie de cet ensemble new-yorkais qui trébuche, s'interroge et s'aime. Il y a beaucoup d'humour dans cette peinture mais aucune ironie, juste la sincérité et la distanciation qu'implique un retour vers une époque à jamais révolue.

Je termine mon épisode en vous laissant visionner un extrait du film que l'on retrouve in extenso dans le livre et qui nous fait voir autrement le dessin animé La belle et le clochard.



Voici l'extrait traduit en français provenant du roman:

- A l'université je me souviens avoir vu des couples avec des bébés qui braillaient, je trouvais ça horrible, se remémorait-elle. Dernièrement, j'ai passé beaucoup de temps avec ma nièce et mon neveu. Et samedi j'ai emmené la petite, qui a sept ans, voir le film de Disney, La belle et le clochard. Elle a adoré, elle était tellement mignonne.
   Elle me jeta un coup d'œil.
- Finalement, l'idée d'avoir des enfants ne me déplaît pas du tout, conclut-elle.
   Sans rien dire, j'avalai une grande gorgée de whisky.
- Je déteste ce film, dit Alice d'un ton neutre.
- Quoi? s'exclama Charlotte.
- C'est d'une niaiserie... et en plus c'est déprimant.
- Ce film ravissant avec ces chiens si mignons...
   Charlotte, incrédule, balaya l'assistance du regard pour chercher du renfort.
- ... tu trouves ça déprimant?
-  Oui, ça a un côté déprimant, et cela ne concerne pas vraiment les chiens, intervint Josh, défendant le point de vue d'Alice depuis la partie opposée du box. A part quelques ouaf-ouaf superficiels au début, les chiens représentent tous des types humains différents, d'où le problème. Belle, qui est évidemment l'héroïne, est une épagneule blonde et vaporeuse qui n'a absolument rien dans la tête. Jolie, certes, mais pour être honnête, totalement insipide. (...)
Clochard, l'objet du désir, continua t-il, est un poseur obséquieux de la pire espèce, un horrible récidiviste qui ne pense qu'à tirer un coup avec tout ce qu'il trouve...