dimanche 15 novembre 2015

L'air de Paris fluctuat nec mergitur




Claquer derrière soi l'étroite porte de l'obscurité et de la peur
Ouverte le 13 novembre 2015.
S'écrit devant nous à la craie sur une petite ardoise devant la devanture d'un fleuriste, en graffiti sur des murs lézardés et comme une gigantesque fresque sur une palissade en deuil, la devise de Paris :
Un FLUCTUAT NEC MERGITUR aux résonances triomphantes.

lundi 26 octobre 2015

Une introduction: le voleur de livres




  Insomniaque, je marchais la nuit en suivant le tracé du tramway 3 b longeant les boulevards périphériques est de Paris. Arrivé à la porte de Montreuil, me dirigeant vers la porte de la villette, j’avais décidé d’arrêter. De voler. Parce que j’étais un voleur de livres, eux seuls m’intéressaient. Je ne pourrais pas raconter comment ça a commencé. S’il y a eu un évènement déclencheur, je ne m’en souviens plus. Le fait est qu’au sortir de ma majorité, je m’y suis mis après avoir quitté mes parents et que j’ai continué à m’y adonner, vingt ans durant, jusqu’à cette nuit. La nuit de la rencontre et de ma résolution. Ce n’était pourtant pas par nécessité que je dérobais des ouvrages. Je suis courtier d’assurance dans une agence de la porte de Bagnolet et, vivant seul, sans plus aucun proche, je m’en sors correctement. Ma seule dépense importante avait été l’achat d’une grande bibliothèque en acajou où je déposais mon butin : des livres rangés auparavant dans des cartons se trouvant dans le placard de l’entrée de mon studio. De mon canapé lit, le soir, avant de sortir me promener dans Paris, je les observais se détachant dans la lumière rosée des fins de journées clémentes ou bleuâtre des jours maussades. Je les avais tous choisis et lus. Volés. Celui-là, le Roman inachevé d’Aragon se trouvait, avant d’habiter chez moi, à la devanture d’une librairie rue de la Tombe-Issoire dans le treizième arrondissement. Celui-ci, Le Parfum de Patrick Süskind dans une caisse d’un stand de brocante avenue du Trône dans le vingtième. L’autre à la couverture vermillon et or, une ancienne édition du De la Terre à la Lune de Jules Verne subtilisée dans la bibliothèque de la rue Lecourbe dans le quinzième. Et alors que je ne lis pas en anglais, The Catcher in the Rye de Salinger dérobé dans une des librairies d’occasion du Passage Jouffroy. J’avais fini par apprendre en recherchant la traduction du titre qu’il s’agissait de L’Attrape-cœurs.


dimanche 20 septembre 2015

Coeur cousu

Hôpital Marie Lannelongue, photographie de Sophie Ju





À l’orée de l’automne, le cœur d’une mère s’est relié au monde
Par quatre ponts élevés au-dessus de sinuosités coronaires
Qui serpentaient frêles et désorientées ne suivant que leur arbitraire
Et asséchant la vie dont ils refusaient la ronde.

Les cœurs filiaux contractés durant cette édification se sont remis à battre
Chantant plaintifs puis soulagés en unisson
Pouvons-nous reprendre les anciens rythme et sons ?
Il n’en est pas question jurons nous.

À l’orée de l’automne, le cœur d’une mère s’est relié au monde
Aux nuages, au vent, au soleil, aux pies, aux pigeons, aux lys blancs et aux hibiscus entremêlés
Battant tel celui d’une fillette qui veut danser et le fera.



jeudi 13 août 2015

Votez Tanner 2015 alias Léonardo







Si vous souhaitez découvrir quel est le lien entre un adorable perroquet, le prénom Léonardo et un dénommé Tanner, il vous faudra lire ma nouvellette qui participe au Prix littéraire e-écrire au féminin organisé par la revue Muze et le site auféminin.com.

Voici le lien: LEONARDO sur le site auféminin.com

Si cela vous sied, donnez lui votre vote électronique en cliquant sur l'icône facebookienne.


dimanche 2 août 2015

Au Palais du cinéma




Nous frissonnons. Nous nous serrons l'un contre l'autre. Nous gigotons des fourmis dans les jambes. Nous nous grattons. Nous reniflons. Nous crachons. Nous sifflons. "Le film va bientôt commencer, mes enfants", nous dit l'instituteur. Nous tapons alors des pieds. "Soyez sages, vous êtes les premiers écoliers invités au Palais du cinéma. Faites moi honneur, faites honneur à votre école". Le silence s'installe cinq secondes. Puis ceux des rangs de devant se lèvent. " Eh les gars, y'a un piano. Z'amènent un piano!" Nous nous levons aussi. Nous n'y voyons rien. Nous nous mettons sur la pointe des pieds. Nous poussons du coude et du poing. Quelques accords bien sentis et nous nous rasseyons. Une explosion derrière nous. Nous nous retournons. Une explosion? Nous sommes photographiés. Puis l'obscurité. Un faisceau de lumière flotte au dessus de nous. La musique se déploie. Le film commence.

lundi 27 juillet 2015

Un fait d'hiver: le rendez-vous




   Une lumière grise poudreuse s’infiltrait dans le salon où étaient assis Sylvia et Georges Bertram. La radio annonçait pourtant une journée d’hiver radieuse malgré le froid. Sylvia avait mis la petite robe noire qu’elle avait lavée, repassée et suspendue dans son armoire en début de semaine et qu’elle réservait pour les occasions importantes. Georges portait le costume beige que sa femme était allée chercher la veille chez le teinturier. Tous les ans, c’était le même rituel. Le 20 février, ils se levaient à 6 h 30, allumaient leur poste de radio et écoutaient les informations, sans dire un mot, en prenant leur petit déjeuner. Ils allaient ensuite se changer ; leurs vêtements ne devaient pas être tachés. Il était alors aux environs de 7 h. Ils s’installaient sur leur canapé en essayant de bouger le moins possible pour ne pas causer un pli. Ils ne s’étaient toujours pas parlé. Comme si une idée avait jailli dans son esprit de façon tout à fait inopinée, Sylvia se levait, allait vers le vaisselier en bois, cadeau de mariage de ses parents, ouvrait un des battants, se saisissait d’un objet se trouvant à l’intérieur et allait se rasseoir. On ne tardait pas à entendre le bruit visqueux de la brosse à poussière adhésive qu’elle appliquait sur ses vêtements et ceux de son mari. Puis à nouveau le silence. La lumière imprimait en biais sur leur visage un large bandeau gris. On ne pouvait pas deviner à quoi ils pouvaient songer. Ils pensaient peut-être à l’instant précis où, il y a vingt ans, on leur avait annoncé la mort de leur fils.

   A 8 h précises, ils se levaient lentement comme s’ils accomplissaient ces actions dans un rêve. Ils jetaient un dernier regard sur leur maison impeccable, avant de fermer la porte, et se dirigeaient vers l’arrêt de bus juste en bas de leur rue. Le visage rigide, ils scrutaient son arrivée.
   A 8 h 05, le bus surgissait en bringuebalant une ou deux personnes tout au plus. Ils allaient alors s’installer à l’arrière du véhicule, sur les sièges du fond. Ils ne fixaient que la route devant eux durant ce trajet. Ils se rendaient au cimetière où se trouvait la tombe de leur fils.  
   A 9 h 05, ils étaient devant la grille d’entrée. Le cimetière ouvrait à 9 h 45. Cela leur laissait le temps, comme toujours, d’aller choisir une plante pour remplacer celle qu’ils avaient apportée l’année précédente et qui serait immanquablement flétrie, aussi friable que si elle avait été faite de poussière retournant à la poussière. Dans la boutique des pompes-funèbres, les attendaient des centaines de gisants, des angelots de porcelaine, des croix avec ou sans Christ, des grappes de fleurs vernies aux couleurs passées, des plaques marmoréennes panégyriques. Ils semblaient alors hésiter un instant au milieu de cette profusion. Ils se dirigeaient, presque en titubant, du côté des parterres de végétation destinés à orner les tombes. Ils semblaient essayer de choisir parmi les massifs de plantes à fleurs multicolores mais ils sortaient toujours de la boutique avec un géranium carmin. De loin, celui-ci ajoutait un aplat de couleur vif sur les teintes ternes de leurs vêtements.
   Après leur achat, les portes du cimetière étaient ouvertes. Ils se dirigeaient avec précaution le long des allées comme si, chaque fois, ils ne les reconnaissaient plus. On entendait leurs pas mesurés sur le gravier ; ils semblaient retarder l’instant de la rencontre.

   Un soir, pendant que Sylvia corrigeait les copies à rendre le lendemain à ses élèves et que Georges lisait le supplément économique du journal, ils avaient senti une présence inhabituelle près de leur pavillon. Ils avaient tout de suite distingué un bruit particulier parmi ceux provenant du voisinage. Ils s’étaient alors figés dans leurs occupations. Puis ils s’étaient dirigés vers la porte d’entrée; derrière, se trouvait un homme dont ils ne retiendraient jamais ni le visage ni le nom.

   Après l’annonce de la nouvelle, ils étaient restés un temps indéfinissable debout dans leur salon. Flottaient autour d’eux les paroles de l’homme : « Je dois vous faire part de quelque chose M et Mme Bertram. Je suis désolé, votre fils est décédé. Nous avons retrouvé son corps hier dans un terrain vague près de son immeuble. Vraiment désolé. » Leur fils parti étudier en ville, leur fils qui revenait tous les week-ends. Ils n’arrivaient pas à le croire. Une absolue sidération.

  Vingt années avaient passées, ils avaient maintenant soixante ans, leur fils en aurait eu quarante. L’intensité de leur douleur s’était estompée mais cette sidération ne les avait pas quittés, d’autant plus que les raisons de sa mort n’avaient jamais été élucidées. Elle ne s’en allait que provisoirement lorsqu’ils se rendaient à leur rendez-vous annuel au cimetière. Sur sa tombe, ils retrouvaient la plaque qu’ils avaient fait graver : A notre fils bien-aimé, tes parents inconsolables. Souvent, ils prononçaient à voix basse ce mot « inconsolables ». Cela les apaisait de le répéter devant lui, devant son corps ; ce mot agissait presque comme un mantra qui semblait les faire entrer en communion avec lui.
   Aujourd’hui encore, ils l’avaient prononcé et ils en étaient hypnotisés, se balançant légèrement d’avant en arrière. On pouvait penser qu’ils exprimaient ainsi leur peine ou voulaient s’en débarrasser. Ils fermaient les yeux. Quelques fois, ils leur semblaient que leur fils leur parlait ; des paroles qu’ils leur arrivaient de pouvoir déchiffrer uniquement dans leurs rêves.

   En cette matinée d’hiver, ils entendirent : « Papa, maman ». Ils scellèrent leurs yeux afin de ne pas perdre leur concentration et leur recueillement. Cela semblait réussir ; ils entendaient de plus en plus distinctement : « Papa, maman ». Ils en étaient secoués. Ils n’avaient jamais perçu sa voix de manière aussi forte ; ils auraient dit, aussi réelle. Puis, ce fut un « Eh, papa, maman ! »
   Ils n’avaient jamais ressenti cela auparavant, une telle communication. Ils ouvrirent les yeux pour se regarder, pour voir si l’autre avait perçu la même chose. Alors qu’ils étaient encore en train de s’épier, ils virent, au même moment, du coin de l’œil, surgir devant eux une masse sombre énorme. Sylvia sortit de son sac à main, d’une main tremblante, un mouchoir et en tendit un à son mari. Ils s’essuyèrent les yeux pour mieux voir. La masse se trouvait toujours devant eux ; elle se dirigeait même dans leur direction. Ils auraient voulu fuir mais ils étaient figés par la peur. Ils finirent par constater alors que ce qu’ils avaient en face d’eux n’était pas qu’une entité informe. Ils distinguèrent, au milieu de ce qu’il fallait bien nommer un enchevêtrement énorme de cheveux, d’abord, des yeux bleus puis une barbe presque de la même dimension que la chevelure, un corps revêtu de guenilles marron-jaune superposées semblant presque organiques et, enfin, une fente rougeâtre qu’ils virent s’entrouvrir pour prononcer ces paroles : « Eh, ben, je suis revenu, p’a, m’an, votre fils Henri, qu’est-ce que vous en dites ? »

dimanche 12 juillet 2015

Le prix de la nouvelle

Les mystères de Harris Burdick, Chris Van Allsburg

Ma nouvelle Une étrange journée de juillet a reçu le 2ième prix du concours national de littérature 2015 de l'Amicale sportive et culturelle de BNP Paribas et a fait l'objet d'une publication dans le recueil rassemblant les textes des autres lauréats. Je rends hommage à une de ses sources d'inspiration le dessin de ChrisVan Allsburg tiré de son album Les mystères de Harris Burdick.

lundi 6 juillet 2015

Solo sax du canal St Denis







Le chant chaloupé du solo sax invisible monte des eaux

Se mêlant au souffle désertique de ce midi sur les quais.

Alternent défilé de passants et péniches solitaires ronronnantes.

A la proue de l’une d’elles, un capitaine accroupi à l’extérieur de sa cabine fume les yeux mi-clos

Solo sax se fait alors plus lancinant.

Il s’immisce dans les accords mimés d’un guitariste assis sur le muret bordant la voie du tramway.

13h au canal, mes papilles poudrées d’aspartame coke, il est temps de rentrer dans le béton.

Solo sax, lui, continue.


dimanche 21 juin 2015

Penser à la bibliothèque du futur: A bridge of words






Voici le texte en anglais que j'ai écris sur proposition de l'écrivain canadien Margaret Atwood sur la plateforme d'écriture Wattpad. Ms Atwood a été choisie pour être le premier écrivain à écrire un texte pour le projet Future Library de l'artiste écossaise Katie Paterson. Un millier d'arbres ont été en effet plantés à Normarka, une forêt près d'Oslo afin de fournir le papier qui permettra de publier une anthologie de textes à découvrir en 2114. Tous les ans jusqu'à cette date, un écrivain est invité à composer un texte.

Une chose est sûre: je ne pourrai jamais lire ces textes. Mais écrire ce petit quelque chose m'a permis d'imaginer ce que serait 2114.




The International Announcer


Opinion


A WORD FROM THE EDITOR IN CHIEF




By SERENA LEE

January 1, 2114



Today we are launching a new series of opinion columns written by outstanding young people under 20 of the 22nd century. We have asked them to give their unrestrained viewpoint on the world of 2114 they live in. They will be sharing with us their hopes, fears and indignations in the coming weeks.

In this first issue of the year, we are also inaugurating a new application. You will thus be able to read The International Announcer directly in the language of your location settings.

Our first young columnist is Mina, a Korean teenager of 15, who was born on the year of the reunification of the two Koreas and who was chosen as one of the ambassadors for the Future Library project which is coming to an end this year.



The Future Library : a project for our generation

So this is my first column. I would like to tell you, to begin with, how I, a fifteen year-old Korean girl, came to be asked to write for The International Announcer. It all boils down to : Blame it on my favorite librarian ! A Saturday morning in 2113, I was borrowing my usual weekly stack of books: novels, poetry and comics. This time, when I gave my card to the librarian at the checkout desk, instead of the usual question "Would you prefer the e-book format? " I saw a quizzical look on his face. I thought it was because of the huge amount of still not returned books appearing on my record. But, on a second glance, it was not THIS look which, after all, I get from time to time. It was something else. He just nodded to me and asked: " Would you please stay here a minute ? " Then I saw him take the phone and talk in whispers. At this point I was really awfully intrigued and strongly tempted to send a text message to my best friend. But before I could do that. He guided me into a room near the storage area where I was asked to wait. When the door opened, my favorite librarian, Miss Moon, was before me. She had a very solemn air. She just said "Mina " and made a sort of curtsey which strangely reminded me of those made by the characters in Jane Austen's novels which she had recommended to me. This gesture was a little bit disconcerting as it is supposed to belong to persons in 18th century England and not to Korea in the 22nd century where old manners of Asian polite greetings have disappeared. She handed me a small white envelope and vanished before I could question her. I watched my name written on it in the scribbler moon as we, book worms, like to call the notes she writes to us with mocking fondness. Miss Moon indeed knows all the young library regulars and care for them to the point of sending them, while they are on vacation, an e-post card with a nice message in digital handwriting. I came to look forward to them as it is so very rare that persons use that mode of writing now, everything being typed by compulogs. I would imagine her tracing words with her electronic pen as she would sketch a drawing. In the envelope, there was a cream-colored card on which I read : You have been designated as one of the ambassadors of the Future Library project to attend the opening ceremony which will be held in Oslo at the end of 2114.

I was completely overwhelmed by this nomination. I could not believe I had been chosen to participate in this legendary adventure. I had heard of this project three years ago in the telernet evening news broadcast which is watched all over the world since the merging of television and internet. They said it was launched in 2014 by Katie Paterson, an artist, who had proposed to publish an anthology of books to be printed in one hundred years on the paper supplied by a forest planted in Norway and had invited one writer to contribute a text each year during this time span. My parents were not even born! Now we are in 2114 and the manuscripts are to be made public. I am really excited because I am going to read at last the story written by Margaret Atwood, the first author of the project who also happens to be one of my favorite classic writer of the 21st century and the works of the other 99 esteemed authors. To think that they have written for us, readers of the future, so long ago is simply extraordinary. So many things have changed since their time. Comparisons are supposed to be odious but, according to what I read in history books, the world I now live in strongly resembles the one after East and West Germany were reunited in 1989. We, Koreans, can now travel freely throughout the country. A trans-Korean train was even inaugurated last year which would have been unimaginable for my great-grandparents. The cities of the former South and North are being entirely reshaped both to start on a new basis and out of necessity. Ten years ago, following the Huge one, a fog spreading from Russia to Japan which has persisted for nearly six months, completely darkening this territory, the international awareness of global warming's dangers finally gave rise to political action. The obligation of completely replacing gas by electric consumption, severe taxes on polluting industries and forest preservation were imposed. All this I have learnt in school because pupils all over the world are now required to take a course called Environmental compliance. My parents told me that it would have been unthinkable at their time. Those who predicted the potential incoming disasters were simply viewed as the child who cried wolf or, in the long run, as Cassandras said my father. Speaking of youth, following the 2068 uprising, youngsters obtained to come of age at sixteen. This has caused, at first, trouble and fights between the elderly and young people, the latter trying to contest the former's authority by exerting violence. After brutality ceased, they were progressively marginalized. They had to retire at 50, their right to vote was withdrawn and they had to abandon their properties to their youngest heirs. I have always known this situation but I cannot help feeling uncomfortable when I see them in the streets of Seoul wandering aimlessly or, for those without a spouse or a family to care for them, destitute King Lear figures, sitting all day long in parks and gardens. Besides, there is also a generalized trend of delinquent seniors: elderly people committing offenses because they prefer being imprisoned than being down and out in the city where they may be attacked at any time. The only thing which consoles me is that my grandparents are not here anymore to witness it. More materialistically, they would have also been sorry for the disappearance of movie theatres. I have some faint memories of sitting in one of them when I was around four: the sweet oily smell of popcorn and of dust, people laughing, scared or weeping at the same time. But it is only a memory. Now people still watch films but not in theatres which have disappeared since the prohibition of public gatherings. According to the world government, the risk of clashes between youngsters and the elderly would have been too high. They like to remind us that peace talks have so far utterly failed. The only means of avoiding tensions would be separation. I am convinced that there is some other way. Why not build together a bridge of words? The reunification of the North and the South was done progressively not only by political will but also through the works of Korean writers who proposed a different view of reality. I know that nowadays youngsters regard paper printed books as antiquities compared to e-books which are widespread. Fiction is also not popular anymore because of its so-called lack of utility, economy and politics being the considered subjects. However, in the airway, I noticed that, while everyone was immersed in his you watch news, the elderly directed approving glances to my paperback fiction book reading. This could form the basis for bridging the gap between both groups. I see that some youngsters hate their elders and paper printed books and fiction merely through ignorance. A year ago, some friends and I created the Fiction preservation club. The idea is to keep books of fiction alive by tracking those existing, reading them and sharing them with unknown people by sending them an e-note which includes a video in which one of us reads an excerpt of the book and provides an explanation. We hope that we can thus show that reading fiction is not quaint. I am aware of the difficulties they may find even in their own families though. In mine, for example, my parents were very dubious of my choice. They would certainly have preferred my attending compulog programming or aircar repairing classes. One day, my mother found some Dickens's and Margaret Atwood's novels under my bed. She came to see me and I was forced to admit that I read fiction. She stared at me bewildered. "So the time has come " she said. "I knew you were dreamy and imaginative. I was afraid to think you were the kind of child who loved fiction. " Tears began to well up in her hazelnut slanted eyes. "But you are. You don't have to say a word. I tried to put yourself to sleep with books on politics thinking it would prevent you from loving novels, short stories and poetry. I reckoned that it worked because you slept so soundly and quickly. But I guess not..." and she sobbed. Everything ended well, dear readers, because they eventually accepted my idiosyncrasy. But I had to deal with their hostility at first when I came out as a fiction lover. And now I still read in my parent's eyes, when they look at me, during a flickering instant, a silent pleading or a suffering wonderment saying: "What have we done wrong?" They surmised the difficulties I could encounter in a society dominated by non-fiction readers: misunderstanding, teasing, or even bashing. When they realized that I grasped this, they tried to cover it with a faint smile but I knew their fears. I have accepted to be one of the ambassadors of the Future Library project and to write this column to say to the people of my generation not be afraid to love fiction. Fiction must be transmitted to future generations. Fiction is indeed dangerous because it can make people think and change. We must be will willing to take this risk.

dimanche 31 mai 2015

Manga animés d'Hokusai




Si les personnages des manga d'Hokusai étaient animés: ils grouilleraient, pulluleraient, sautilleraient puis se désagrégeraient. Voici une vidéo que j'ai réalisée en quelques clignements d'œil avant qu'ils ne s'évanouissent.

samedi 25 avril 2015

Manoel de Oliveira et l'anecdote






2 avril 2015. Mort de Manoel de Oliveira. Resurgissent dans ma mémoire Inquiétude, Val Abraham, Le Couvent, Aniki Bobo, Voyage au bout du monde, Singularités d'une jeune fille blonde, une anecdote.

Je vais essayer de vous restituer la dite anecdote que nous a livrée le réalisateur avant la projection de L'étrange affaire Anjelica. Il aurait entendu parler d'un fils qui a dit à ses parents:
-Papa, maman, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Laquelle voulez-vous entendre en premier?
-Dis nous d'abord la bonne.
-D'accord, la bonne nouvelle est que j'ai réussi mes examens.
-Bravo! Quelle est la mauvaise nouvelle alors?
-Je viens juste de vous mentir.

dimanche 22 mars 2015

Dialogue

Dessins d'Hokusai pour les concours de haiku

31. NATALIE'S HAIKU

Remember that poet-
  The girls are
Talking now


Au cours de ma lecture du recueil de poèmes de Jack Kerouac Pomes all Sizes, j'y ai trouvé dans la partie intitulée Beginning with a Few Haikus Some of Them Addresses in the Book ce haiku.

samedi 31 janvier 2015

Affrontement







 


 


   Je ne sais pas vraiment comment ça a commencé. Je dis ça parce que les gens disent souvent « ça a commencé par- » avant de débuter un récit. Ils essaient ensuite d’exposer leur version de l’évènement en question qui constituerait une hypothèse censée fournir une explication de ce qui est survenu par la suite. Ce que je compte plutôt faire, c’est exposer les circonstances dans tout leur mystère comme ces calligraphies de sinogrammes qui gardent une part d’énigme parce qu’ils sont à la fois des dessins et des mots.

   Le fait est qu’ils se détestaient, ils se haïssaient même chérissant cette haine comme une passion secrète. Le soir, chez eux, parmi les bruits bleus des téléviseurs allumés, des braillements de leurs enfants en bas âge, du bavardage de leurs épouses, ils n’avaient que cette idée en tête. Ils réfléchissaient à ce qu’ils pourraient faire le lendemain pour laisser libre cours à leur sentiment. La nuit même, tandis que leurs épouses, présences massives à leurs côtés, étaient endormies, et qu’eux aussi semblaient avoir sombré dans un sommeil profond, ils pouvaient se relever soudain. Ils ressemblaient alors à des cadavres qui, piqués dans leur repos éternel par une flèche de vie, se seraient relevés de leurs cercueils. Ils disaient : « Oui ça y est, je sais ce que je vais lui faire demain » avant de retomber. Et, le lendemain, après avoir revêtu leur tenue réglementaire, pantalon marronnasse et chemise blanc-bleu épinglée d’un badge plaqué laiton gravé à leur nom, ils s’installaient au volant de l’autobus qu’ils devaient conduire et scrutant l’autre dans son rétroviseur, hochaient la tête d’un air entendu.
   Les passagers qui montaient dans leurs véhicules à ce moment-là auraient pu remarquer un sourire de hyènes retrousser leurs lèvres tandis que leurs regards les traversaient sans les voir, projetés déjà sur leurs territoires. Ils démarraient en trombe atteignant rapidement le maximum de la vitesse autorisée. Fixés sur leur objectif, ils n’entendaient pas fuser autour d’eux : « La porte s’il vous plaît ! » ou autres « Si c’est pour nous faire la gueule quand on dit bonjour, il faut changer de métier.»

   Lorsque leur concentration atteignait son point culminant, qu’ils ressentaient dans leurs tripes, leurs mains sur le volant étaient devenues moites et leurs nuques si raides qu’elles semblaient connectées directement à leur coccyx. Leur bus se croisait à cet instant précis. Ils se fixaient un moment. Ils pointaient ensuite un pistolet invisible sur l’autre en mimant un tir. Le contrecoup d’une détonation imaginaire les faisait se renfoncer dans leurs sièges, la satisfaction sur leur visage. Ils pouvaient alors continuer leur trajet jusqu’au terminus de leur ligne.  

   Une fin d’après-midi d’hiver, alors que la nuit était déjà tombée et qu’ils avaient accompli leur rituel songeant à celui du lendemain, leurs bus se sont croisés dans le dépôt déserté. Ils ont eu un moment de surprise : leurs visages encore plus figés que d’habitude. Leurs mains se sont déplacées en direction du levier de vitesse, leurs pieds ont appuyé sur l’accélérateur. Les véhicules ont déplacé leur masse imposante à toute vitesse en direction du terrain vague près du dépôt. J’avais observé tout ça. Après avoir couru pour les rejoindre, me foulant presque la cheville droite, je les ai vus se faire face. Leurs moteurs ont vrombi dans une surenchère frénétique semblant vanter les capacités de leurs mécaniques respectives. J’ai senti les vibrations sous mes pieds comme si des secousses parcouraient toute la surface du sol. La seconde d’après, les bus passaient devant moi. Ils fonçaient l’un sur l’autre dans une logique d’affrontement définitif, même si cela peut sonner un peu apocalyptique.
   Ça n’a plus été, pendant de longs moments, que fumées noirâtres épaisses, gigantesques flammes jaune-rouge, fracas retentissant de tôles en collision. Des glapissements perçants se faisaient aussi curieusement entendre ; j’y superposais les visages intensément haineux des deux conducteurs déchirés par leurs sourires d’hyènes. Lorsque tout se fut embrasé, engloutissant définitivement toute matière, le silence revint.

   Sur mon lit d’hôpital, je lis l’entrefilet que le journal local a consacré à ces évènements :

Deux autobus ont mystérieusement pris feu dans le terrain vague près de leur dépôt. Les deux conducteurs, âgés de 41 et 45 ans, qui se trouvaient dans leurs véhicules, ont été retrouvés décédés. L’enquête est en cours.

   Si quelqu’un m’avait vu à ce moment-là, il aurait pu me voir sourire à pleines dents, imitant leur mimique d’hyène, parce que je savais ce qu’il leur était arrivé.

dimanche 18 janvier 2015

Sijo de l'après 7 janvier








Cette matinée d'hiver, Place de la Nation,
Emergeant du brouillard de terreur des semaines écoulées
Les feux verts me sont apparus tels des lampions de la mémoire.

dimanche 4 janvier 2015

Raconter des histoires


 " Ayez encore un peu de patience. Les bonnes histoires sont comme les bêtes sauvages. Elles vivent cachées, et pour les voir, il faut rester souvent aux aguets à l'entrée d'un bois. Laissez -moi réfléchir."

Le nain Philippo, Herman Hesse.