Quatrième épisode de ma série estivale.
L’homme à l’harmonica avait plongé
dans la foule mais la taille imposante de son crâne et sa chevelure bicolore m'avait d'abord
permis de ne pas le perdre de vue. J’ai continué à avancer au milieu d’encore
plus de pieds trépignants et sautillants autour de moi (Je ne pensais pas que ça
pouvait être possible). J’essayais juste de ne pas me faire écraser. Petit à
petit la forêt de pieds s’est faite plus clairsemée, une paire de chaussures ou
deux de loin en loin. L’homme à l’harmonica, qui avait ensuite presque disparu en se transformant en un point à l’horizon, est redevenu
une silhouette, une figure et enfin des bottines vertes vernies. On était sur une
place avec deux bancs face à face. Il s’est assis sur l’un d'eux et m’a fait signe de
monter le rejoindre.
– Avant de commencer ma journée de
travail, il fallait que je vous parle. Je vous ai vu désemparé tout à l’heure
dans le métro. J’ai l’habitude de regarder autour de moi plutôt que, hem hem,
foncer droit devant moi. Le métro a ses charmes que le commun des mortels ne
perçoit pas. J’ai l’impression, dites-moi si je me trompe, que vous êtes un
nouveau venu dans cette ville, que vous n’y êtes pas encore initié. Moi qui y
habite depuis une quarantaine d’années, la connaît comme loup blanc, je dois
vous mettre en garde contre certaines pratiques, certains lieux. Peut-être ce
que je vais vous dire vous servira-t-il d’avertissement avant que vous entriez
dans le monde. Du fait de mon âge, j’ai vu beaucoup de hem situations humaines
hem différentes. Il faut dire que mon métier m’a également permis de voir bien
du monde. Je suis perruquier. J’en ai vu défiler des têtes et des cheveux.
Réalisez un postiche et vous connaîtrez l’âme de votre client avait l’habitude
de dire mon père. Ah le paternel, il
nous a quitté il y a vingt ans mais ce qu’il m’a légué comme pensées reste
gravé dans ma mémoire. Mais je dois avouer que j’ai beaucoup parlé et l’heure
tourne, vous devez commencer vos aventures et moi partir travailler. Différents
lieux, différentes mœurs… Gardez en mémoire la complexité de la nature humaine.
Certaines personnes mauvaises sont celles-là même qui peuvent vous étonner en
ayant des éclairs de bonté et des gens qui vous paraissent bonnes peuvent
être celles par qui la trahison peut venir. Bonne route jeune être !
Après ce discours qui n’avait pas eu le
temps de m’ennuyer mais qui m’avait laissé
pantois, il s’est levé brusquement du banc et est parti à grandes enjambées
hors de la place. J’ai eu juste le temps
d‘entendre la fin de ses paroles : "devrais déjà être arrivé…"
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