lundi 16 mai 2016

Tissages d'artistes: Double Je



Episode 1 de la série des réceptions transartistiques.


   Je débute une série d’entrées dans ce blog sur les réceptions transartistiques. Par réception transartistique , je me réfère, pour cet épisode, non pas au processus dynamique qui concrétise une œuvre d’un âge à un autre en modifiant ses valeurs et son sens mais à celui qui transforme une œuvre d’un art particulier en une réalisation d’un autre art dans un cadre contemporain. Je m'intéresserai avant tout aux interrelations entre la littérature et les autres arts.

   Paraît participer à ce mouvement l’exposition Double Je au Palais de Tokyo qui vient juste de s’achever. Jeux entre littérature, arts et artisanats. Projet transartistique contemporain. Ce sont, en effet, les qualificatifs qui me viennent à l’esprit pour décrire cette exposition. Autour de la nouvelle policière de Franck Thilliez mettant en scène l’énigme du meurtre de l’artiste Natan de Galois se déploient des travaux d’artisans d’art et d’artistes contemporains.
   Concrètement, au niveau de la scénographie, à chaque salle, correspond un chapitre de l’histoire. Dans ces lieux, les objets présents sont tous le fruit d’une collaboration entre un artiste et un artisan d’art qui se sont emparés de l’univers représenté dans le récit. Ce qui m’a particulièrement intéressée est la transposition qui s’est opérée d’un art à un autre : une motif littéraire engendrant des matérialisations artistiques. Il y a, semble-t-il, changement de mode : de l’immatériel au matériel mais le sens n’est pas altéré.
    La seule incohérence de cette transposition transartistique se trouve au niveau de la dernière salle  "Cinéma ". Celle-ci comporte trois installations, donnant à voir les rencontres fortuites d’étendoirs à linge et de bustes en plastique voire des premiers avec une télévision que j’ai eu du mal à relier avec l’intrigue policière. Sont également diffusés dans cet endroit des reportages sur la collaboration entre les artisans et les artistes ainsi qu’un court-métrage inspiré par l’histoire.


  
En dehors de cette incongruité, il m’a semblé qu’il s’agissait d’une réception transartistique efficace. Les lecteurs de la nouvelle de Thilliez qu’ont été les artisans et les artistes contemporains se sont emparés de certains de ses éléments pour leur donner une incarnation. La plupart du temps, cette appropriation concerne des objets mentionnés dans la nouvelle comme la moto ou la voiture ou le dispositif d’impression 3D, dont la modélisation est commandée par la voix.





 Mais elle porte aussi sur l’atmosphère que dégage le récit et la personnalité des personnages que rendent respectivement les éclairages des différents lieux et, à nouveau, certains objets tels les livres choisis.




  La transposition de la nouvelle dans son ensemble laisse portant a priori une impression générale de décors de cinéma qui auraient été élaborés par un réalisateur soucieux du moindre détail, en l’occurrence ici le scénographe ou le commissaire d’exposition. La réussite tient à ce que chaque élément de ce « décor » véhicule la vision de l’histoire de l'artisan d’art et/ou de l'artiste qui l'a conçu et se conjugue avec les autres visions artistiques au service de celle de l’écrivain.

   Pour parler de la nouvelle de Franck Thilliez en elle-même, elle met en scène de façon habile un motif littéraire bien connu dans la littérature fantastique celui du double qui se combine avec celui des affres de la création dans une mise en abyme rondement menée. J'ai trouvé que c'était une intéressante variation et une singulière expérience artistique.

 


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