dimanche 31 juillet 2016

Au-delà de la verrière




Deuxième épisode de ma série estivale.


   Moi, Pie, à un certain moment, (je vous rappelle que nous, les pigeons, n'avons pas la notion du temps), j’ai ressenti le besoin de partir. Ce n’était pas le fait de mes parents qui ne m’ont jamais fait comprendre que je devrais quitter la verrière familiale (contrairement aux autres pigeons qui incitent leur progéniture à quitter leur nid dès qu’ils peuvent se débrouiller). J’étais heureux avec eux. Une vie paisible sans heurt.

   Je crois que ça a commencé pendant que je scrutais, à travers les panneaux de la verrière de la station Corvisart, et le ciel et les arbres qui se trouvaient aux alentours. Le vent s’était engouffré dans notre coursive grillagée ; il avait amené des drôles d’effluves de ce que j’ai appris à reconnaître plus tard comme l’odeur de branches mouillées. J’étais un peu perturbé. "Mine de rien, tu es toujours dans la lune" avait remarqué un jour ma mère. Cette fois-ci, elle m’avait dit : «  Tu es vraiment dans la lune aujourd’hui. »  Je suis sûr qu’au fond elle savait que je ne tarderais pas à m’en aller. Ses yeux étaient particulièrement brillants ce soir-là comme au bord des larmes ( je réfute l’idée que les pigeons ne pleurent pas). Mon père a seulement roucoulé gravement. Le lendemain, j’ai pris la première rame de métro qui arrivait à la station et je me suis envolé pour la première fois hors de chez nous. Je n’avais aucune idée où cela me mènerait. Je ne soupçonnais pas encore les aventures qui m’attendaient. Un humain peut être en quête de quelque chose ; je l’étais tout autant.


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